« Excuses moi de te demander ça mais... Mais il est vrai que vous habitiez dans les arbres? Enfin je veux dire ton... Peuple, ouais, enfin tes semblables. » Dès cette première interrogation elle me plut. Son innocence, sa naïveté, son naturel venaient de me séduire. Elle ne disait pas ça pour se moquer, ou pour marquer ma soit-disant infériorité par rapport aux jeunes normaux. Non. C'était spontané. Presque normal, comme question. Et bien que sa demande puisse paraître
déplacée, je ne lui en voulus pas. Bien au contraire, je lui ai ouvert mon amitié. Et mon cœur.
« Attends, c'est pas Blanche là-bas avec le bellâtre? » Mon cœur qui fait un raté, je me retiens de hurler. C'était à peine croyable ce qui se déroulait sous mes yeux, surtout à la vue des événements précédents. Vieux de quelques jours à peine. Je me sentais trahi, humilié aux yeux du monde entier. Mais surtout, je me sentais mortellement blessé de la voir ainsi, se pavanant dans les bras d'un autre. Je ne remettais pas en cause ma propre innocence au sujet des filles et des sentiments. J'étais novice malgré mon âge, je n'y connaissais rien. Rien du tout. Mais ce que je ressentais ne pouvait me tromper sur les sentiments que j'éprouvais à son égard. Et que j'avais toujours éprouvé. Et que j'éprouverais toujours. J'étais encore victime de mon éducation de primate comme certains disent. Pour moi, l'amour était unique et non multiple. Une femme, un homme, et une vie entière consumée. C'était ainsi que je voyais les choses. A mon grande douleur.
« Guewen? Oh, mais ça alors! C'est... Waw, c'est génial de te revoir. » Que de changement en si peu de temps. La trahison de celle que j'aimais m'avait ouvert les yeux. Depuis? J'étais un Dom Juan renommé et réputé, que toutes -et tous- s'arrachaient. J'étais connu pour être un séducteur, mais j'étais apprécié. La cause? Je ne me conduisais pas comme un salaud, du moins pas en public. Je cachais et jouais mon jeu à la perfection, tout en ramenant sous ma couette les plus belles filles du coin. A défaut de pouvoir y mettre la seule qui compte réellement. Je ne pouvais définir l'origine des sentiments qui fusaient en moi. Rancœur? Colère? Tristesse? Repenti? Amour? Amour. Je venais de mettre le doigt sur un sujet chatouilleux. Je m'étais créé une carapace pour feindre l'ignorance face à Blanche. Ma Blanche. Ma colombe. Ma conquête du soir vint se coller suavement contre moi.
« On y va mon chaton? » J'écrasais ma clope à terre sans accorder plus d'importance à celle qui avait été mon amie.
« Désolé, j'ai d'autres plans. Peut-être à plus tard. » Le cœur meurtri mais la fierté sauve, je lui tournais le dos et m'enfuyais loin d'elle. Loin de son corps dont je rêvais tant, loin de ce visage que j'aimais comme un fou.
TALOS - « Excuses moi de te demander ça mais... Mais il est vrai que vous habitiez dans les arbres? Enfin je veux dire ton... Peuple, ouais, enfin tes semblables. » Ok je l'avoue, j'étais ridicule sur ce coup-là. Pire que ça même, j'étais la pire des idiotes. Non mais vraiment, qui pouvais avoir une idée aussi lumineuse que celle-ci à part moi? Tant de lumière allaient me perdre un jour. Enfin... Bien que l'approche fut nulle, naze, merdique à souhait, j'avais enfin fait le premier pas. Guewen "Jon" Aslvik-Ström. Autrement dit l'homme le plus
hot au monde mais également le plus bizarre qu'il m'ait été donné de rencontrer. Face à sa gueule d'amour, je lui pardonnais sa différence. Il me plaisait ainsi. Avec sa naïveté, sa façon de penser totalement à part, ses coutumes étranges. Je trouvais ça... Exotiques ouais, mais aussi terriblement attirants. Oh, ouais.
La jeunesse nous fait parfois -souvent- faire des choses que l'on regrette. Mais la plus grande partie du temps, on ne nous laisse pas le choix. J'étais avec ce type, mon pseudo copain du moment. Je ne ressentais rien vis à vis de lui. Mais absolument rien. Cependant, les circonstances ont fait que... Et même si je priais pour que Guewen ne passe pas dans le coin, l'inévitable se produit. Je les aperçus, au loin. Avec Thibalt, ce fumier. Mon frêle corps était au bord de l'implosion, j'enrageais d'être victime d'une telle injustice. Et dire qu'il y avait à peine quelques jours que Jon et moi nous étions enfin dévoilés nos sentiments... La vie était cruelle. Pire, même. J'en connaissais les conséquences, mais je n'avais pas le choix. Que n'aurais-je pas fait pour ma famille... Ca, justement. Faire une croix définitive sur l'homme que j'aimais par-dessus tout. Pour celui auquel je rêvais chaque jour, chaque nuit. Il venait de m'être violemment dérobé. Et je venais d'y perdre mon cœur.
« Guewen? Oh, mais ça alors! C'est... Waw, c'est génial de te revoir. »Je n'en revenais pas de le croiser là, lui, le type qui tenait ce genre d'ambiance en horreur. De l'alcool, des substances illicites, des prostituées à tous les coins de rue. Mais physiquement, il n'avait pas changé. Toujours aussi beau, viril et intouchable. Pire encore maintenant. Je perçus immédiatement ce détachement, cette ignorance qui venait de me crever l'âme une fois de plus. Qu'est ce qu'il s'était passé, en si peu de temps? Certes, ma propre trahison devait l'avoir chamboulé. A juste titre... Pourtant je peinais à croire à une telle métamorphose.
« On y va mon chaton? » C'était qui ça nom de dieu? Pour qui elle se prenait pour se coller ainsi à lui, lui donner des petits noms d'amour? Je les aurais bien tués, elle et son entrejambe. Mais le coup de poignard final ne fut pas porté par cette pintade.
« Désolé, j'ai d'autres plans. Peut-être à plus tard. » Douleur. Souffrance. Mort prématurée, appelez ça comme vous le voulez. Je finissais KO. Je n'aspirais qu'à lui dire la vérité au sujet de ce type, lui dire qu'il ne représentait rien, qu'il ne valait rien à côté de lui. Etje l'aurais fait. Si seulement cette vérité n'avait pas autant de répercutions...